Pursat : Tonlé Sap et countryside
Nous avons choisi de nous rendre à Pursat pour effectuer l’excursion tant attendue au Tonlé Sap, et comme souvent au Cambodge nous trouvons bien plus que ce que nous sommes venus chercher. Et c’est Mister T que nous trouvons tout d’abord, premier autochtone croisé à la descente du bus ; souriant, affable et sympathique, il nous guidera jusqu’à une guesthouse et nous invitera à passer chez lui la nuit du lendemain.
Nous y rencontrerons sa femme et ses trois enfants ainsi que la famille de son frère puisque tous se partagent cette petite cabane de bois perdue dans la campagne sublime qui environne Pursat. Je sors mes couleurs pour les enfants et leur montre comment se servir du pinceau en leur offrant des petites peintures (heureusement que les enfants ne sont pas difficiles) en attendant l’heure des ablutions ; celle-ci venue nous nous rendons, à travers champs, au puits qui fournit l’eau pour la vie quotidienne, sous un ciel aux couleurs de feu. Après le repas pris ensemble à piocher dans les mêmes plats ; c’est l’heure des jeux et des comptines en français et en khmer, et je m’amuse comme une folle à chahuter avec les petits bouts de la maison. Me voilà déconcertée une nouvelle fois, et émue aussi, de la facilité avec laquelle la communication peut s’instaurer avec les enfants quand on ne peut pourtant pas avoir recours aux mots. Si timides au début, ils sont si vite si rieurs et si attachants. Quand nous reviendrons le lendemain soir je suis attendrie de voir la petite fille de T. qui m’attend au bout du chemin, me rejoint en courant et glisse sa petite main dans la mienne. Quand la oustiquaire est sortie et que l’on entend plus que le souffle régulier des enfants abandonnées au sommeil, c’est l’heure des shoots de rhum offerts par T. tandis qu’il nous raconte sa vie, ses projets et nous interroge sur les nôtres. Cette soirée fut l’une des plus agréables que nous ayons passées au Cambodge, de celles qui font oublier kes tracas de la route et comprendre que l’ossature du voyage ce sont ces moments que nous attendions sans le savoir vraiment et qui quelque part nous attendaient.
Grâce à la moto de T., qu’il accepte de nous louer, nous pouvons nous rendre au Tonlé Sap et au village flottant de Kompong Luong. Le Tonlé Sap est le plus vaste lac d’eau douce d’Asie du sud-est. Lors de la saison des pluies, par un phénomène naturel, le Mékong, dont le niveau augmente très vite, refoule les eaux du cordon fluvial qui le relie au lac, ce qui en renverse le cours et permet au lac de quintupler sa surface. Des forêts sont inondées et les poissons abondent ; ressource alimentaire et fertilité des sols sont donc assurées grâce à cet écosystème unique. A notre approche, par voie terrestre, du lac, une femme propose de nous emmener jusqu’à Kompong Luong et nous voilà partis en barque à la découverte de ce village qui flotte sur les eaux et se déplace au gré des saisons. Il ne manque rien à cette bourgade peuplée majoritairement de vietnamiens : maisons colorées sur les porches desquelles fleurissent plantes et hamacs, petite église au toit bleu, station service, échoppes en tout genre et surtout boutiques de téléphones, commissariat, restaurant, tables de billard et savoureux mélange d’agitation et de langueur. Nous montons sur le bateau-bar pour la pause rituelle de café glacé et prenons place à côté d’enfants en pleins jeux vidéo. Nous ne distinguons nulle terre au loin, que la tranquille surface du lac jusqu’à l’horizon et même celui-ci reste étrangement difficile à saisir ; où finit le lac, où commence le ciel ? Nous ne savons plus très bien tant les couleurs s’épousent et se confondent.
La moto de T. nous permet également de longer les rives du Mékong, ballade-découverte des ateliers de sculpteurs qui travaillent le marbre et ont fait la réputation de Pursat, et d’effectuer une boucle dans la campagne environnante. Nous sommes bien dans l’arrière-pays agricole comme en témoignent les rizières d’un vert éclatant qui s’étendent à l’infini. Un vieux monsieur nous invitera chez lui, ravi de pratiquer un français qu’il nous dit ne pas avoir parlé depuis 25, et au moment du départ il bourrera notre sac d’oranges que nous partagerons un peu plus loin avec des enfants nous ayant initiés au jeu de la tongue. Ce jeu nous intriguait depuis un moment déjà et nous nous familiarisons avec ses règles à la faveur de quelques parties. Un caillou est placé dans un carré tracé sur le sol et il faut l’en faire sortir en se servant de ses tongues ce qui requiert tout un art dans le lancer de chaussures. Substitut des billes, ce jeu est bien le plus populaire parmi les enfants et le matériel en est toujours commodément à portée de la main.
Il est temps de nous séparer de Mr T. et de sa famille ; nous offrons une bouteille de rhum à notre hôte pour ses soirées à venir mais avons-nous bien choisi ? Visiblement, ce rhum-là est plus fort que le précédent et la première gorgée de T. finira sur le sol en terre battue de la maison ; ce sera la lampée pour les esprits !
je comprends, Eve, que toutes ces rencontres humaines, tous ces moments de partage ont été l’essentiel de votre voyage . Par tes écrits, j’ai été émue, touchée par ces instants si privilégiés, ça me redonne du courage, de la force pour continuer à m’investir dans le club où le « social » prend de plus en plus de place.
Fallait le dire pour le jeux des tongues, au moins elles vous auraient servis a quelque chose ici!!! hi hi