Pour nos derniers jours au Cambodge, nous décidons de remonter le Mékong de Kompong Cham à Kratie en vélo. En guise de montures nous ne trouvons que deux petites bicyclettes sans vitesses, aux freins qui grincent et à la jeunesse fanée, que nous louons à un hôtel. Le trajet envisagé n’est pas énorme, 150 kilomètres, mais assez long pour que
Notre premier petit tour nous mène au Vat Nokor, temple du IXème siècle. Les anciennes structures en grès et latérite renferment un temple bouddhique plus récent aux peintures très vives qui tranchent sur le décor plus ancien. Celui-ci est littéralement incorporé au sanctuaire originel, prenant appui sur les porches antiques. Seuls quelques personnes âgées sont présentes et en pleine sieste, allongées devant les statues de Bouddha. Elles nous feront gentiment une petite place sur leur natte et tous ensemble nous goûterons un repos d’autant plus agréable que le lieu renferme un peu de fraîcheur.
Revitalisés par notre sieste méditative, nous sautons de nouveau en selles pour emprunter le pont de bambou qui permet de rejoindre l’île de Koh Paen.
Après cette petite mise à l’épreuve, nous vélos grinçants nous semblent tenir la route, aussi nous voilà partis pour Kratie en suivant notre fil conducteur fluvial et espérant trouver en chemin des hôtes pour la nuit. Ces trois jours passés derrière le guidon sont peut-être les plus beaux de notre séjour cambodgien, une superbe façon en tout cas de lui faire nos adieux. La route est splendide et si l’on emprunte les chemins qui épousent les courbes du fleuve, elle croise quantités de petits villages charmants. Toujours à peu près plate, par endroits sableuse, caillouteuse, poussiéreuse, boueuse ou accidentée, elle trouve de l’ombre sous les palmiers et les cocotiers qui la bordent.
Quand la chaleur est trop forte, les eaux du Mékong ou les arbres propices à la sieste ne sont jamais très loin. A l’exception d’un après-midi pluvieux, le ciel est clair, dégagé, d’un bleu limpide. Mais plus encore que cette route superbe et que ces paysages fabuleux, ce sont nos rencontres qui nous émerveillent, et nous sommes fascinés une nouvelle fois de constater à quel point les khmers sont souriants, affables et généreux. Les enfants, en particulier, ravis de nous voir passer, s’époumonent en « hello » et c’est à peu près trois cent fois par jour que nous y répondons.
Lors de la traversée d’un village Cham, nous rencontrons Youssouf, notre premier hôte. Il nous aborde à la sortie de la mosquée tandis que nous effectuons notre pause glace pilée du jour. Il s’enorgueillit d’être la seule personne du village à parler anglais et nous invite spontanément à passer la nuit chez lui. Avant de le rejoindre, nous promenons nos vélos dans le village à la recherche d’un petit coin tranquille ; peine perdue, un attroupement se forme à chacun de nos arrêts et il est impossible de s’isoler ne serait-ce que pour soulager la nature (l’affabilité khmère sera le plus gros défi du voyage pour ma vessie). De retour chez Youssouf, je m’esquive discrètement pour aller prendre ma douche à la cuve qui recueille les eaux de pluie sous la maison ; je crains d’être repérée et suivie par une foule curieuse, ma maîtrise du sarong étant toujours imparfaite.
Notre deuxième toit nous tombera du ciel comme le premier. Nous étant laissé surprendre par le soir à Chhlong et n’osant aller frapper directement à la porte des gens pour demander l’hospitalité, nous nous arrêtons aux alentours d’un vat pour nous délecter de la vue du soleil couchant sur le Mékong, retardant un peu la mise au point d’un plan B. Un jeune garçon qui nous a vus passer vient alors vers nous et nous incite à le suivre jusqu’à la pagode. Nous voilà au milieu des robes safran, un peu gênés car notre guide a disparu sans mot dire ; le revoilà en compagnie du seul moine parlant anglais. Extrêmement sympathique et rigolard,
A notre réveil la pagode est déjà très active. Les moines sont allés mendier leur nourriture et ont pris leur premier repas à côté de nous sans que notre sommeil en soit troublé le moins du monde. Un peu gênés de nous lever si tard (trois bonnes heures après les moines qui se lèvent à 4 heures) alors que nous avions prévu d’assister à leurs prières de l’aube, nous observons l’agitation matinale de la grande salle ; un garçonnet, les fesses à l’air, se ballade et amuse la galerie (qui le connaît bien, c’est le neveu du vénérable) ; la procession des offrandes de nourriture pour le repas de midi commence et de nombreuses femmes du villages apportent des plats qu’elles ont mijotés dans de grands plats dorés; les étudiants de Chanpisey passent le balais et dressent les tables pour le déjeuner ; le vénérable procède à une cérémonie en aspergeant d’eau un couple tout en récitant des prières, et il accueille chaque offrande de nourriture. Nous réalisons à quel point la pagode si animée est un lieu de vie au cœur du village et non en retrait. Quand il n’est pas occupé avec les habitants du village, le vénérable vient nous rejoindre et répondre à toutes nos questions sur le bouddhisme (avec l’aide de Chanpisey qui fait office de traducteur et nous confie avoir prévu de lui donner des cours d’anglais) et Chanpisey nous explique la vie quotidienne d’un moine « moderne » ; le fait par exemple qu’un moine a désormais le droit de posséder de l’argent (comme les moines ne travaillent pas cet argent provient des donations), ne serait-ce que pour payer ses déplacements, ceux-ci n’étant plus gratuits pour les bonzes. Il nous confie même aider financièrement son jeune frère, le seul qui, grâce au soutien de toute la famille, a la possibilité de suivre des études. De même, il nous explique que désormais ne sont moines pour un jour, un mois ou toute la vie, que ceux qui le désirent vraiment et en font la démarche personnelle ; il n’y a pas si longtemps la prise de froc (pour la période voulue) était une étape obligée dans la vie du garçon et même une condition pour qu’il puisse se marier. La discussion durera une bonne partie de la matinée, ponctuée par les grands éclats de rire de Chanpisey qui s’excuse de temps à autre pour prendre un coup de fil ou consulter ses e-mails sur son téléphone ultra-moderne. Le vénérable nous invite à partager le déjeuner des moines avant que nous ne reprenions la route ; au moment du départ, il nous bourrera le sac de petits gâteaux.
Notre périple s’achève par quelques jours à Kratie. Nous nous rendons à l’île de Kho Trong qui s’étend en face de la ville au milieu du Mékong ; nos vélos nous permettent d’en faire tranquillement le tour, du village aux rizières, de l’échoppe de glace pilée au village flottant. Nous guetterons en vain les tortues géantes du Cantor le long des plages de l’île sans en apercevoir le début d’une écaille. Tronquant nos vélos pour une moto
Retour à la case départ Singapourienne avant un envol pour l’Australie où est née, pendant ce temps là, une nièce à Fred (et à moi un peu aussi).
Voir les commentaires
vous avez su nous ensorceler, avec le blog, par les commentaires et les photos. La nostalgie qui pointe dans ce récit, à la vue de votre départ, est aussi présente dans nos coeurs, car nous étions devenus des accrocs de ce blog, toujours en attente de nouveaux récits. Merci Eve et Fred.
Bravo pour ce magnifique carnet de voyage ponctué de photos et de récits ayant un sens, comme votre sens du voyage très aiguisé.
Vous faites partie des voyageurs que j’aime croiser pour de vrai.
Bien cordialement
Obeo
Tellement dommage que se soit deja la fin ... en tout cas un grand merci pour nous avoir fait partager vos aventures. un gros bisous de la petite niece :-)
magique,magnifique,un grand moment d'emotion
merci d'avoir partagé
jerome bonne continuation
Bonjour
Merci pour vos magnifiques photos et votre récit tout en finesse.
A quelle période de l'année étiez-vous au Cambodge ?
Cordialement,
Philippe
Mai/Juin, soit au début de la mousson d'été.
Elle était un peu en retard cette année là, mais je suis extrêmement content d'avoir pu assister au spectacle incroyable qu'offre la mousson.
Bonjour, tout dabord felicitation pour ce superbe blog qui m inspire beacoup... Tellement que je souhaite faire la destination Kompong Cham Kratie en velo... J aurais voulu savoir, est il facile de louer un velo sans le ramener au point de départ? Et si vous vous souvenez de l hotel qui vous a permis de le faire?
Merci d avance
Max
Bonjour Max, en fait non, nous sommes revenu à Kampong Cham.
Nous avons laissé nos affaires dans un hôtel avec nos sacs et nous avons loué de vieux vélos assez déglingués sur les bords du fleuve. Mais c'est sans importance puisque le chemin longe le Mékong, il est donc complètement plat et de toute façon nous n'allions pas bien vite.
Une fois arrivé à Kratie nous avons demandé à un chauffeur de bus d'embarquer nos vélos, et hop, sur le toit, et retour à notre hôtel de Kompong Cham.
Par contre il faut se débrouiller pour dormir, nous n'avons pas vu de structure touristique.
N'hésite pas à revenir nous dire comment ça s'est passé pour toi :)
Bon voyage