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Le lac Inle, miroir du ciel

Le lac Inle est réputé pour la beauté de ses paysages, ses villages sur pilotis, ses jardins flottants et son nombre important de visiteurs. Tout y est en effet. Mais le lac est si vaste que cette dernière vérité n’est pas toujours perceptible et on pourrait bien, à certaines heures, se croire les seuls à fendre ses eaux.
Chaque moment de la journée vaut le détour; la physionomie du lieu change alors et révèle une nouvelle facette de ce lac bordé de collines, véritable miroir du ciel.

Le matin la brume est très dense et bouche la vue. Le lac est alors nimbé d’une aura de mystères. Quand un nuage avale le bateau, on discerne une myriade de gouttelettes en suspension qui dansent. Elles s’accrochent à tout ce qu’elles croisent et se déposent sous forme de rosée. Tout devient alors humide, se gorge d’eau. Les roseaux et la végétation qui bordent les canaux en sont rendus luisants. La rosée permet au soleil de se déposer sur les herbes pour former des gouttes de lumière. Les pêcheurs sont déjà à l’œuvre. Pour les visiteurs ils n’hésitent pas à s’interrompre pour montrer leur grand panier de pêche cylindrique. Je me demande presque si ce sont des acteurs-pêcheurs, présents pour assurer l’animation et ne pas décevoir le touriste qui les guette. Mais non. Ils sont sur le lac toute la journée et bien occupés à pêcher quand aucun bateau ne les approche. On dirait des équilibristes ou des funambules. Debout sur la petite poupe de leur barque ils rament avec le pied et remontent leur filet avec leurs deux mains libres.

A midi, au milieu du lac, autre lumière, autre décor. Le ciel est bleu, pas l’ombre d’un nuage, et le soleil est si fort que le ciel semble blanc au-dessus de l’horizon. La surface du lac est lisse, comme polie, et elle renvoie si bien la couleur du ciel qu’au loin tous deux semblent se confondre. Les collines elles-mêmes viennent renforcer cette impression de flou, de frontière imprécise : elles aussi échappent au regard, blanchissent au point qu’elles semblent s’effacer. Elles se devinent plus qu’elles ne se voient. De temps en temps on aperçoit quelques pêcheurs à l’œuvre, la rame coincée entre le pied et la hanche, seuls éléments verticaux dans toute cette horizontalité.

Au soir le soleil disparaît derrière les reliefs et le sommet des collines rosit. Un point doré ou blanc révèle une pagode sur leur flanc. Le lac miroite de reflets dorés, cuivrés. Sur l’horizon et au-dessus des berges la brume revient. La fraîcheur s’annonce. Quand les collines sont devenues noires et que les couleurs du crépuscule ne teintent plus qu’un fin liserai à leur faîte, les points lumineux quittent les eaux pour rejoindre les berges : ce n’est plus le lac qui scintille mais les guirlandes des pagodes et les lumières des maisons.

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